Les images diffusées récemment par Bosolo TV, dans son émission “Oyo nde Kin” consacrée au thème “Retour des trains à Kinshasa, une réalité ou une utopie ?”, ont provoqué une vive réaction du public. On y voit des rails posés sur des sacs de sable, des fixations improvisées en bois et des tronçons rongés par l’érosion. Des scènes surréalistes, qui soulèvent de sérieuses inquiétudes quant à la sécurité et à la fiabilité de cette relance du transport ferroviaire dans la capitale.
Une relance précipitée qui interroge
Si la volonté politique de relancer le train urbain mérite d’être saluée, sa mise en œuvre semble marquée par une précipitation inquiétante. Le Vice-Premier ministre, ministre des Transports, est pointé du doigt pour avoir lancé l’opération sans diagnostic technique approfondi, ni plan stratégique clair.
Relancer le rail sans études d’ingénierie fiables, c’est exposer les Kinois à des risques graves, rappellent plusieurs observateurs.
Le Président n’est pas responsable des rails, mais de la vision
Le Président Félix Tshisekedi ne peut être tenu responsable des failles techniques observées sur le terrain. Son rôle, soulignent des sources proches du dossier, est d’impulser une vision nationale, de fixer les grandes orientations et d’exiger des résultats sectoriels.
Dans un contexte marqué par les crises sécuritaires multiples du M23 à l’Est aux tensions communautaires dans l’Ouest –, le Chef de l’État doit arbitrer entre urgences militaires et priorités de développement. Que le transport ferroviaire figure parmi ses priorités témoigne d’une volonté réelle de moderniser la mobilité urbaine.
Mais cette vision, jugent les analystes, ne peut réussir que si elle s’appuie sur une exécution technique rigoureuse au niveau ministériel.
Des risques accrus pour la mobilité et la sécurité
Sur le terrain, la situation soulève plusieurs risques.
Les rails, souvent posés à proximité immédiate des routes notamment sur les axes des Huileries, Kasai et 9ᵉ avenue risquent d’aggraver les embouteillages au lieu de les réduire.
Pire encore, l’absence de signalisation moderne, la fragilité des infrastructures et l’improvisation visible sur certains tronçons menacent directement la sécurité des passagers et des automobilistes.
Les responsabilités partagées
Outre le ministère des Transports, plusieurs agences techniques sont concernées : la Société commerciale des transports et ports (SCTP, ex-ONATRA), le Chemin de fer urbain (CFU) et les autorités urbaines.
Leur mission est de garantir la conformité technique, la maintenance et la planification urbaine.
Fermer les yeux sur des travaux non conformes, c’est manquer à leur devoir de sécurité publique, soulignent plusieurs experts.
Réformer sans tout arrêter
Suspendre le projet serait une erreur, mais le corriger d’urgence est une nécessité. Des pistes existent :
• Remplacer immédiatement les sacs de sable par un ballast conforme aux normes ferroviaires ;
• Stabiliser les zones d’érosion et renforcer les traverses ;
• Installer une signalisation moderne (feux, barrières automatiques, alarmes sonores) ;
• Coordonner les horaires de passage avec les heures de pointe routière pour éviter les blocages ;
• Lancer une modernisation progressive des voies, par tronçons, en bétonnant les traverses et en améliorant le drainage ;
• Mobiliser des partenariats public-privé pour financer et sécuriser le corridor ferroviaire de Kinshasa.
De l’utopie dangereuse à l’action responsable
Le retour du train à Kinshasa ne doit pas devenir une utopie dangereuse ni une vitrine politique. Il doit incarner une réforme stratégique et durable au service de la mobilité urbaine.
La sécurité des Kinois ne saurait être compromise au nom de la vitesse d’exécution.
Le Président de la République a donné une orientation claire ; il appartient désormais au ministère des Transports et aux organes techniques de prouver leur compétence et de livrer un service à la hauteur des attentes.
Les Kinois méritent mieux que des rails posés sur des sacs de sable.
Ils méritent un train urbain sûr, moderne et fiable, symbole d’un Congo qui avance — non pas dans la précipitation, mais dans la maîtrise et la responsabilité.
MF


